0

illustuber__2-01png
_DSC1121jpg
_DSC1969jpg

Chadaporn Phayakhuan

 

 



Des noms comme Cyprien, Justin Bieber ou plus récemment, After vous évoquent sûrement quelque chose. Vous vous demandez sans doute ce qu’un youtubeur français, un chanteur canadien et un film américain ont en commun ? Pour vous aider, le premier a amassé plus de treize millions d’abonnés sur YouTube en une douzaine d’années, lui permettant de réaliser aujourd’hui des projets plus ambitieux que des courts sketchs filmés. Le deuxième a fait ses débuts sur cette même plateforme avant de devenir l’un des chanteurs les plus connus de sa génération. Et le troisième, quant à lui, est l’adaptation d’un livre qui était au départ publié sur la site d’autopublication Wattpad. Vous l’aurez maintenant deviné : c’est le net qui en a fait des célébrités.

 

Qui n’a jamais entendu parler de pareilles success stories? C’est sans doute autour de ceux-ci que s’est construit le mythe de l’El dorado 2.0 selon lequel grâce à Internet, n’importe qui peut se forger sa propre réussite. Les illustrateurs, comme tout autre artiste, n’échappent pas à la règle. Eux aussi, y cherchent leur compte. Le web détient véritablement le statut d’outil de communication accessible et incontournable. Les outils et réseaux qui continuent de créer des opportunités de diffusion à tel point que leur présence est presque devenue indissociable du travail de la majorité de ces artistes.

 

Reportage sur l’impact, les tentatives et essais que fait naître la conquête de cet El Dorado virtuel.

Face à la Tamise, derrière les murs d’un entrepôt reconverti en espace d’exposition, la London Illustration Fair bat son plein. C’est le rendez-vous annuel des illustrateurs et amateurs d’art. Une sélection d’artistes sont répartis sur cinq étages et exposent leurs plus beaux imprimés, livres et autres produits dérivés. C’est promesse tenue pour la foire qui annonçait  “une panoplie d’oeuvres, d’imprimés, de conférences des artistes les plus populaires du monde”. Les visiteurs en prennent plein la vue. La musique tourne dans le fond, tandis qu’ils se faufilent entre les échoppes, à la recherche des pièces originales. Les cartes de visite ne sont jamais bien loin, nichées entre des tas de cartes sérigraphiées et des originaux sciemment plastifiés. Elles sont toujours disposées de manière visible et comme un appel pour les retrouver en ligne, les exposants y font tous figurer leur adresse web et pseudo respectifs.

 

Dans une salle à l’écart du brouhaha, une consultation privée de portfolios se déroule. Elle est animée par deux membres de l’Association of Illustrators, Fig Taylor et Stephanie Alexander-Jinks. Parmi les conseils que ces professionnelles donnent, elles insistent très fort sur l’importance d’un portfolio en ligne, sous forme d’un site web : “ De nos jours, c’est impensable pour un artiste de ne pas avoir de site web ! Alors par pitié, ne négligez pas le vôtre.” 

Exposer l'artiste derrière l'œuvre

Made in Internet

 

Pour comprendre pourquoi les illustrateurs affectionnent tant Internet et y consacrent tant d’importance, il faut demander à Yohan Sacré. Cet illustrateur est en quelque sorte l’exemple idéal de l’artiste forgé par Internet et qui en bénéficie des effets positifs.

 

Depuis tout petit, le Namurois dessine. C’est sans surprise qu’on le retrouve dans un parcours scolaire artistique, aux Beaux-Arts de sa ville natale. Un cursus qu’il peine à terminer puisque en cours de route, il rencontre l’Internet. Il y fait ses premiers pas et découvre les forums, notamment le Café Salé où il rencontre d’autres artistes. Des échanges suivent, des conseils pleuvent à profusion, des embryons de projets bourgeonnent. L’envie de devenir un électron libre se fait de plus en plus sentir et puis c’est le déclic : l’école ne lui plaît pas. Ou plutôt : l’école ne lui convient pas. C’est sur Internet qu’il se sent véritablement évoluer. À la fin des études secondaires, il décide donc de ne pas poursuivre l’aventure dans le supérieur et s’en remet totalement à lui-même et au Web.

 

Aujourd’hui, un peu plus de 15 ans plus tard, il ne regrette rien et son avis est toujours le même. L’illustrateur décrit Internet comme sa véritable école, un terrain qui lui a permis une évolution plus efficace. C’est le côté partage qui lui plaît, pouvoir échanger avec les artistes du monde entier : « [Internet permet] de mettre en œuvre toutes ces choses qui nous inspirent qui nous donnent envie de travailler, de dire « OK, on va collaborer avec les personnes que ça intéresse, qu’on ne rencontrerait pas à cause de la distance, de la culture, etc.». Autrement, là, je ferais des études classiques, je bosserais sur autre chose mais qui ne serait pas du tout ce que j’ai envie de faire, vraiment. »

 

Un aspect qui explique beaucoup sa préférence pour la culture et les collaborations internationales. Les projets « locaux »

 sont peu nombreux dans son répertoire: “Ici [en Belgique], j’ai signé avec un éditeur que j’ai rencontré par hasard mais culturellement parlant, on propose plus de choses [chez les américains], avec d’autres points de vue sur la démarche artistique ».

“On ne s’est jamais rencontrés, on ne s’est jamais vus et internet a rendu ce projet possible”

« C’est compliqué d’attirer l’attention »

“C'est du bricolage.”

offlinevsonlinejpg
cadreamariepng
cadre alastairpng
cadresamuelpng

Nano Fictions est un recueil de courtes fictions écrites par le français Patrick Baud et illustré par Yohan sacré. La particularité de cette collaboration est que l’illustrateur belge et l’animateur de la chaîne YouTube Axolot ne se sont jamais rencontrés : « On ne s’est jamais vus et (pourtant), internet a rendu ça possible

Sortir de l’anonymat


Quand on évoque Internet, il est difficile de ne pas penser aux réseaux sociaux. Au fil du temps, avec la généralisation du web, leur apparition a créé une autre façon de se  promouvoir. Ils se sont imposés comme outils accessibles qui permettent à tous de toucher du bout des doigts le succès et la notoriété. Il semblerait même que la promotion ait pris le pas sur la fonction que Yohan affectionnait tant : l’échange. Désormais, plutôt que d’échanger, les illustrateurs pensent d’abord à exposer leurs œuvres et promouvoir leurs activités sur les différentes plateformes. Indispensable, s’ils espèrent sortir un tant soit peu de l’anonymat.

 

Mais l’un ne va pas sans l’autre, Yohan le souligne. C’est la combinaison de l’échange, de l’interaction directe avec le public et l’exposition de ses travaux qui peut potentiellement apporter du travail. Sans s’exposer, pas d’interaction, sans interaction, les artistes sont invisibles.


 

Made in Internet

 

Pour comprendre pourquoi les illustrateurs affectionnent tant Internet et y consacrent tant d’importance, il faut demander à Yohan Sacré. Cet illustrateur est en quelque sorte l’exemple idéal de l’artiste forgé par Internet et qui en bénéficie des effets positifs.

 

Depuis tout petit, le Namurois dessine. C’est sans surprise qu’on le retrouve dans un parcours scolaire artistique, aux Beaux-Arts de sa ville natale. Un cursus qu’il peine à terminer puisque en cours de route, il rencontre l’Internet. Il y fait ses premiers pas et découvre les forums, notamment le Café Salé où il rencontre d’autres artistes. Des échanges suivent, des conseils pleuvent à profusion, des embryons de projets bourgeonnent. L’envie de devenir un électron libre se fait de plus en plus sentir et puis c’est le déclic : l’école ne lui plaît pas. Ou plutôt : l’école ne lui convient pas. C’est sur Internet qu’il se sent véritablement évoluer. À la fin des études secondaires, il décide donc de ne pas poursuivre l’aventure dans le supérieur et s’en remet totalement à lui-même et au Web.

 

 

Aujourd’hui, un peu plus de 15 ans plus tard, il ne regrette rien et son avis est toujours le même. L’illustrateur décrit Internet comme sa véritable école, un terrain qui lui a permis une évolution plus efficace. C’est le côté partage qui lui plaît, pouvoir échanger avec les artistes du monde entier : « [Internet permet] de mettre en œuvre toutes ces choses qui nous inspirent qui nous donnent envie de travailler, de dire " OK, on va collaborer avec les personnes que ça intéresse, qu’on ne rencontrerait pas à cause de la distance, de la culture, etc. " Autrement, là, je ferais des études classiques, je bosserais sur autre chose mais qui ne serait pas du tout ce que j’ai envie de faire, vraiment. »

 

Un aspect qui explique beaucoup sa préférence pour la culture et les collaborations internationales. Les projets « locaux » sont peu nombreux dans son répertoire: « Ici [en Belgique], j’ai signé avec un éditeur que j’ai rencontré par hasard mais culturellement parlant, on propose plus de choses [chez les américains], avec d’autres points de vue sur la démarche artistique. »


 

Le partage, vers un formatage?

 

 

Philippe Debongnie, illustrateur et professeur à l’ESA Saint-Luc, déplore l’uniformisation que cause les échanges et le partage sur Internet.

 


 

Délivré, libéré...vraiment?

 

Contrairement à d’autres artistes, Marie-Caroline Terenne ne recherche ni reconnaissance, ni travail. Avec d’autres artistes, l’artiste free-lance fait partie de Bernadettes Éditions, une maison de micro édition française créée en guise d’aire de détente pour des professionnels « frustrés par le boulot qu’ils font à côté».

 

« On fait tout ce que nos commanditaires ne « veulent pas qu’on leur fasse ». C’est vraiment l’espace de liberté où, enfin, on peut s’exprimer comme on veut parce que l’on en a besoin. Après, on échange entre nous, on discute, mais on ne doit pas satisfaire un client ou avoir une cible phare ou quoi que ce soit. On le fait juste, et si ça plaît, tant mieux. On a fait des études pour pouvoir s’exprimer, il fallait un lieu pour pouvoir le faire et pas être frustrés des boulots qu’on fait à côté.»

 

Mais encore, Internet n’est jamais bien loin. Elle précise que ces projets sont réalisables grâce aux revenus générés par la vente des créations qu’ils mettent à disposition en ligne, sur la plateforme de vente Etsy.

 

D’autres plateformes comme Etsy ont vu le jour. De la simple plateforme de vente en ligne aux services d’impression à la demande, en passant par les plateformes de financement participatif. Tous permettent aux artistes de se libérer des intermédiaires traditionnels dans le marché culturel. Désormais, tout est possible : l’illustrateur peut créer, s’autoéditer, et vendre en ligne et les amateurs peuvent se procurer les produits de leurs artistes favoris, où qu’ils soient.

On l’a compris, les interactions sont primordiales pour maintenir une certaine reconnaissance. Il faut déployer toutes sortes de tactiques pour fidéliser son public et susciter les réactions et interactions.

 

Plus qu’un simple portfolio, le site web et les comptes des réseaux sociaux de l’illustrateur  sont de véritables « ateliers en ligne » comme l’évoque Jean-Paul Fourmentraux. Entre galerie et atelier, l’artiste y « expose au regard du public l’espace intime où se déploient les ficelles du métier. Le visiteur peut alors y embrasser la démarche de l’artiste, la suivre en train de se faire et peut-être même y contribuer », explique le professeur en Philosophie des arts et humanités numériques à l'université de Provence dans l’une de ses recherches. 

 

Parfois, poster de simples images ne suffit plus à se faire connaitre. Le public de Marie Spénale, illustratrice française basée à Bruxelles, est principalement concentré sur le réseau en vogue Instagram. Mais il y a deux ans, l’artiste décide de se lancer sur Youtube. Des foires à questions, des reviews, mais surtout des vlogs, toutes ses vidéos ont évidemment pour thématique le dessin. Une façon de pousser plus loin cette notion de l’atelier en ligne. 

 

Quand la réalité empiète sur le virtuel

 

La présence en ligne devient généralisée et avec des milliards d’utilisateurs, cela crée une sacrée masse. ll devient difficile de s’en extirper, ou de simplement se différencier. Il est alors légitime de se demander s’il est encore pertinent d’être présent sur le net?

 

« Tant que vous avez une connexion internet, vous pouvez travailler pour n’importe quel client, à longue distance. Vous n’avez pas besoin d’une éducation formelle, d’un agent, ou quoique ce soit de la sorte donc, plus de liberté», dans la bouche de Loish, c’est promesse tenue en ce qui concerne la liberté. L’illustratrice néerlandaise possède un répertoire varié et international de clients : studios de jeux vidéo, Lego, ou encore Amazon. Un travail totalement free-lance qu’elle effectue depuis son studio, à Utrecht. Pas de déplacement, tout se fait par vidéoconférence.

 

Il faut par contre pouvoir prendre avec plus de pincettes celle d’un succès certain sur les réseaux. Une promesse bien implicite qui se base sur l’idée que tout le monde est sur un même pied d’égalité et possède les mêmes chances : chacun peut se créer un profil, poster du contenu, diffuser son travail et ainsi, se promouvoir. En somme, une chance de se libérer du circuit des médias traditionnels. En théorie. Car dans la réalité, la hiérarchie du monde physique/traditionnel se transpose dans le monde virtuel. Les plus populaires parmi les médias traditionnels se retrouvent forcément être les plus visibles sur le web.

 

Louis Wiart, professeur de communication marketing à l’Université Libre de Bruxelles, nuance. Si Internet donne une ouverture à la visibilité à travers de nouveaux canaux de communication, et la possibilité d’atteindre un public, les écarts en termes de notoriété et de d’audience se maintiennent toujours:

 

Double travail, à temps plein

 

La notoriété est un privilège qui peut se gagner mais elle doit aussi être maintenue. Comme d’autres illustrateurs, elle est devenue polyvalente malgré elle. Gestion de communication, génération du trafic sur les pages et sur les boutiques, animation de la communauté, … Un sacré challenge quand on sait que ces tâches relèvent d’un métier à part entière. 

 

 

« C’est quelque chose qui est relativement nouveau et récent. La nécessité de prendre ces aspects-là en charge d’un point de vue professionnel. On ne peut pas se contenter d’être un artiste», explique Louis Wiart, professeur de communication marketing à l’Université Libre de Bruxelles,«…et c’est d’autant plus vrai pour des artistes en lignes en ligne qui s’autodiffusent et qui s’autoéditent, et qui ne sont pas adossés à des structures éditoriales, à des maisons d’édition ou des maisons de production. Eux, ils doivent tout faire eux-mêmes. Ils n’ont pas de service presse, d’attaché presse, de service de communication sur lequel compter. Et ils doivent apprendre tout ça et c’est un apprentissage qui peut être douloureux ou compliqué et parfois très loin de leur culture, de leur manière de penser, de leur pratique artistique, de penser, leur public aussi. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour exister et continuer d’exister aux yeux du public, de plus en plus de temps est consacré à s’occuper de la promotion sur les différentes plateformes plutôt que de créer. Pour Loish, c’est « presque un travail à temps plein». Elle doit constamment fournir du contenu pour contenter ses abonnés. Même si elle s’est imposé un horaire de travail défini, elle confie qu’après ces heures, au moins une à deux heures sont dédiées à la gestion de ses réseaux: « J’essaie de poster tous les jours - en semaine - d’abord sur Instagram parce que c’est là que j’ai le plus de followers et le meilleur engagement. Puis, je publie la même chose le lendemain sur Twitter, Tumblr, puis Facebook. J’essaie de changer un peu le message, pour qu’il soit plus adapté à la plateforme. Je pense que j’y consacre une heure, parfois plus, quand il y a les soldes de Black Friday, ou Inktober [ndlr;  un challenge annuel populaire qui circule sur Internet durant le mois d’octobre. Les artistes dessinent et partagent un dessin par jour selon le thème du jour], par exemple. Je poste plus souvent.»

 

 

 

Efforts toujours récompensés?

 

Philippe Debongnie est dubitatif sur le temps que le travail de communication prend sur le travail d’illustration. Pour cet illustrateur et professeur à l’ESA Saint-Luc, il y a souvent un déséquilibre entre l’effort fourni pour atteindre et maintenir la visibilité et le résultat obtenu : « Je suis ennuyé du peu de résultat concret que ça amène : on est dans l’esprit des gens, dans la vue des gens, on a des likes, mais au final, ce n’est pas avec ça qu’on va payer le loyer […] Je pense que parfois c’est une perte de temps, oui, certainement. Mais c’est une perte de temps qui, je trouve, est encore obligatoire.»

 

En Belgique, le métier d’illustrateur n’est pas un métier protégé, il n’y a pas d’obligation de filière pour être illustrateur. Et grâce à Internet, le besoin d’avoir un « statut professionnel »  pour trouver du travail semble devenir moins nécessaire. Pour Philippe, il lui importe d’ailleurs peu de faire la différence entre l’amateur et le professionnel. Mais ce manque de différenciation peut cependant être dommageable malgré tout. Rien ne permet non plus au client de distinguer les deux catégories. C’est souvent dans la foulée que le client se rend compte du niveau d’expérience des illustrateurs qu’ils emploient. L’illustrateur explique : « Parfois cela peut amener à des mauvaises expériences et ça, ça peut faire perdre du travail à des personnes qui essaient d’en vivre. Alors que d’autres y accèdent grâce à internet mais qui n’ont pas du tout les compétences pour assumer le travail derrière »Philippe conclura de manière catégorique : un grand nombre d’abonnés ou un grand public n’est pas gage de qualité. 

 

Indépendance totale du marché physique?

 

 

Si internet offre une indépendance certaine aux illustrateurs, peut-il rendre le marché virtuel indépendant du marché physique ? Retour au London Illustration Fair.

 

 

 

Même si Loish peut se targuer d’avoir accumulé plus de 1,5 million d’abonnés, elle admet que se faire remarquer n’est pas aisé. Et cela ne s’arrange pas avec la compétitivité permanente et croissante. Elle explique ses débuts il y a une quinzaine d’années sur DeviantArt, un site dédié au partage d’œuvres graphiques où l’on pouvait voir ses dessins, affichés directement sur la page d’accueil.« Aujourd’hui, c’est devenu tellement bondé», regrette la jeune femme,« Il y a tellement trop de choses (à voir) qu’il est devenu impossible de voir mes dessins. Aujourd’hui, sur Instagram, c’est pareil. C’est compliqué d’attirer l’attention sur mes publications parce qu’il y a tellement d’autres artistes qui publient aussi. Il y a tellement de contenu. J’étais au bon endroit au bon moment. Si je pensais à ouvrir un compte Instagram maintenant, il serait trop tard.»

 

 

 


En Belgique, il existe trois régimes professionnels :

  • - salarié,
  • - indépendant,
  • - fonctionnaire.

 

Et le statut d’artiste, c’est quoi?

 

Ce statut n’existe pas vraiment. Il désigne simplement des règles spécifiques plus avantageuses dont bénéficient les artistes au niveau du chômage.

 

Toute personne peut avoir accès au chômage, pour autant qu’elle ait presté un certain nombre de jours de travail durant une période de référence. Lorsqu’elle est au chômage, elle percevra alors 65% de son dernier salaire. Cette allocation diminuera au fil des mois.

 

Par contre, l'allocation de chômage d'un artiste se maintient à 60% du dernier salaire perçu même après un an de chômage. La condition est de pouvoir prouver qu’il ait bien travaillé 156 jours dont 104 jours de prestation artistique.

 

 

61,3€ brut = 1 journée de travail

 

 

L’artiste, lui, est rarement payé au jour mais plutôt pour une certaine tâche. Alors comment prouver qu’il ait bien travaillé un certain nombre de jours? C’est la qu’intervient la règle du cachet 61,3€ brutcorrespond à un jour de travail. Il suffit donc de diviser le salaire reçu par cette somme pour obtenir le nombre total de jours de travail.


Mais quand on demande ce qui est mis en place au niveau légal et fiscal ou encore à quel régime social dépendent les artistes qui tirent (une partie de) leurs revenus provenant de ces ventes en ligne, c’est le flou total.  En principe, puisque ces ventes s’apparentent à de l’e-commerce, cela relève forcément du travail d’indépendant. Sauf que cela complique les choses pour les artistes, surtout pour ceux en situation de précarité. Dirk Vervenne, consultant juridique dans l’ASBL Cultuurloket explique pourquoi: 

 

 

 

 

En Belgique et quelques pays d’Europe, la coopérative SMART permet aux indépendants de bénéficier d’un statut de salarié. Ce qui leur permet de profiter des avantages liés à ce statut et de se libérer des tâches de gestion, d’administration dont ils doivent faire face en tant qu’indépendant. Dans la réalité, être artiste indépendant est une chose, mais cela se complique quand cela implique du « e-commerce ».  Une activité qui n’a pas encore de cadre légal. Sabrina Gas, gestionnaire d’entreprise et conseillère à la SMART Bruxelles, parle elle aussi de bricolage: 

Alastair Eland est le cofondateur de cette foire annuelle londonienne. Il explique que le but de la foire est de promouvoir l’interaction directe entre les illustrateurs (professionnels, amateurs et étudiants) et les amateurs d’art. En réaction contre « la société en mouvement constant et la culture du jetable », l’événement permet aux artistes de recevoir des retours de manière directe mais permet aussi de socialiser et de faire du réseautage. 

 

Même si les personnes veulent cliquer et acheter avec le minimum d’effort, son événement gagne tout de même en popularité. Selon Alastair, une petite interaction dans le monde physique déclenche plus vite l’envie d’acheter beaucoup sur le net. Le net qu’il considère complètement comme un outil complémentaire : « Le marché digital a grandement aidé les artistes et illustrateurs à diffuser leurs œuvres. Les fans peuvent être tenus au courant à travers une multitude de plateformes et les artistes peuvent construire une communauté beaucoup plus facilement en ligne. Mais ce n’est pas comparable à voir une œuvre à une foire ou dans une galerie ». Et si les ventes digitales augmentent, « il y a toujours besoin d’une interaction dans un événement comme le London Illustration Fair pour créer le buzz autour de l’artiste et de leur travail».

 

Louis Wiart explique ce raisonnement par le fait que ces deux univers qui dialoguent étroitement : « Ce qui se passe sur les réseaux sociaux, c’est une continuité de ce qui se passe dans le monde physique. Donc on ne peut pas séparer totalement ces deux univers, les penser en silos comme deux choses distinctes. Dans le sens où les rencontres en face à face, les opérations de communication en face-à-face - comme une rencontre avec son public dans une librairie, aux salons, aux foires- pourra donner lieu à des postes sur les RS, et être relayé et accroître aussi la visibilité de l’artiste en question».

 

 

 «  On fait beaucoup de salons, de foire comme ça, on en fait presque un tous les mois. Forcément ça marche mieux parce qu’on se déplace beaucoup. En France, Belgique, Londres, l’année dernière à Séoul. On n’y vend pas les mêmes choses. Sur Etsy on vendra en période de Noël, surtout. Mais le problème d’Etsy est qu’on est quand même noyés dans une masse. Il y a énormément de choses, c’est compliqué d’être visible. Je me demande souvent comment les gens sont tombés sur nous ou sur Etsy, mais bon»

 

— Marie-Caroline Terenne - Bernadettes Éditions

 

 

« Quand tu fais des ventes physiques, beaucoup de personnes viennent en une fois et donc en une journée, on récolte plus de ventes qu’une journée en ligne. Ici, il faut être présent, tout ça alors qu’en ligne, les gens peuvent visiter notre boutique à n’importe quel moment. Donc les boutiques en ligne sont généralement mieux, mais les ventes physiques sont plus sympas. 

 

Je pense que parfois, les ventes en ligne laissent la possibilité de réfléchir plus. Les clients peuvent épingler la page et y revenir plus tard. Ils n’ont pas la pression du « Je dois acheter ça aujourd’hui ». On propose aussi des soldes, des codes promos,… Par contre, pour un livre, par exemple, les gens préfèrent pouvoir le feuilleter en ligne aussi. Alors on doit s’assurer qu’il y a assez de photos pour que les gens puissent avoir une idée de ce qu’ils achètent.

 

Les gens disent que l’imprimé est en déclin mais je pense qu’ils préfèrent avoir l’objet en main, ou quelque chose qu’on peut offrir. Les endroits comme cette foire vont survivre assez bien, à mon avis.»

Bye bye Internet?

 

Les illustrateurs sont assez prudents et conscients du travail que cela demande d’émerger de la masse. Là où les plus anciens relativisent, la nouvelle génération d’illustrateurs a plutôt tendance à s’y jeter à corps perdu et à s’enflammer, comme le dit Yohan Sacré. Philippe Debongnie peut aussi le constater à travers ses étudiants « C’est une sorte de désillusion pour les jeunes [...] qui viennent de sortir de leurs études et qui croient que si la visibilité vient, tout suivra. »

 

Mais si chaque jour, l’avenir tend un peu plus à être difficile avec le climat de concurrence qui s’installe, les illustrateurs ne sont pas prêts à délaisser Internet. Après tout, s’il n’est pas la fabrique à succès tel qu'on le dépeint, il reste avant tout un outil créateur de possibilités.  

 

Quand les frontières s’effacent et les distances physiques et culturelles s’amoindrissent, la communication est facilitée et forcément, cela crée plus de possibilités. De plus en plus de clients cherchent de l’inspiration en ligne. C’est pourquoi les artistes essaient d’y créer une présence:

Face à la Tamise, derrière les murs d’un entrepôt reconverti en espace d’exposition, la London Illustration Fair bat son plein. C’est le rendez-vous annuel des illustrateurs et amateurs d’art. Une sélection d’artistes sont répartis sur cinq étages et exposent leurs plus beaux imprimés, livres et autres produits dérivés. C’est promesse tenue pour la foire qui annonçait  “une panoplie d’oeuvres, d’imprimés, de conférences des artistes les plus populaires du monde”. Les visiteurs en prennent plein la vue. La musique tourne dans le fond, tandis qu’ils se faufilent entre les échoppes, à la recherche des pièces originales. Les cartes de visite ne sont jamais bien loin, nichées entre des tas de cartes sérigraphiées et des originaux sciemment plastifiés. Elles sont toujours disposées de manière visible et comme un appel pour les retrouver en ligne, les exposants y font tous figurer leur adresse web et pseudo respectifs.

 

Dans une salle à l’écart du brouhaha, une consultation privée de portfolios se déroule. Elle est animée par deux membres de l’Association of Illustrators, Fig Taylor et Stephanie Alexander-Jinks. Parmi les conseils que ces professionnelles donnent, elles insistent très fort sur l’importance d’un portfolio en ligne, sous forme d’un site web : « De nos jours, c’est impensable pour un artiste de ne pas avoir de site web ! Alors par pitié, ne négligez pas le vôtre. » 

FAITES DÉFILER

POUR DÉCOUVRIRLE REPORTAGE

alastaircontour.png
mariecontour.png
samuelcontourpng

Auteur : Chadaporn Phayakhuan 

Contact : c.phayakhuan@gmail.com

flechepng
titrepng

(pastiche à des fins informationnelles)